Le jour où l’on crée un blog, on a l’impression de s’acheter un espace de verdure de l’autre côté de la fibre optique.
Ça déclenche comme un sentiment assez peu rationnel, on a envie de réveiller son chéri pour lui annoncer la nouvelle, de lui parler ameublement CSS, rideaux HTML, et tutti quanti.
Il y a peu de chance qu’il vous suive dans l’aventure, et une forte probabilité qu’il vous sorte plutôt une phrase du genre « non mais, est-ce que c’est une heure pour réveiller le peuple ?! », qu’il grommelle et se rendorme fissa, pendant que de l’autre côté du lit, vous dormirez les yeux ouverts, toute excitée par ce changement radical dans votre vie.
Le matin au réveil, on change son statut facebook, en clamant « j’ai un blog, ça y est, c’est fait ».
Un peu fébrile, on ne gère rien du tout de ce nouvel espace, on essaye d’écrire un premier article, qui sera sûrement le plus compliqué, parce qu’on se dit que la moindre des choses c’est de se présenter.
Et donc de commencer par parler de soi.
Y en a qui disent que d’écrire c’est souvent s’écrire à soi-même, que des thérapies par les mots sont souvent plus bénéfiques que trois baffes dans la gueule en criant « avance, palsambleu ! ».
Il y a celles qui posent des limites, ne parlent jamais de leur vie privée, de qui a croqué dans le même donut qu’elles à midi, histoire aussi de garder cette frontière entre ce qui est réel et ce qui ne l’est pas.
C’est vrai que c’est important de savoir tout séparer.
C’est comme ceux qui disent ce qui est au boulot reste au boulot.
Mon oeil.
Ca devient vite une addiction, on donne chaque jour un peu plus de soi, une photo d’un bout de son doigt de pied devient la semaine suivante un discours sur la hernie du chien et la dernière teinture de tante Michelle (que tu sais on en avait déjà parlé dans l’article sur la convalescence de mon voisin Joe-fait-des-gaffes, et v’là t’il pas que je te link tout ça).
Ça c’est l’authenticité, la vraie, celle qui parle de gens qui ont des poils sous les bras et qui s’étale sur la toile comme un récit à la bridget jones.
Puis arrive l’embranchement où certaines prennent la route « Coca sans bulles », le genre de route insipide, qui pétille pas pour un sou et dans laquelle s’engouffreront la majorité des articles parus sur internet.
Y en a même qui parlent de choses qu’elles n’aiment pas en disant que c’est bien, juste histoire qu’on fasse attention à elles.
Ou encore qui te torchent des articles que tu as intérêt à aimer, sinon tu es bonne pour cocher les toilettes de la blogo jusqu’à la fin de tes jours.
Et finalement quoi ?
Tout tourne autour d’une certaine tendance à l’amitié passive, on se fait aimer par des gens qui « passent » sur notre site. On apprend à répondre, à lire d’autres points de vue (ou pas d’ailleurs).
A voir qu’on est pas seule face à une galère (qu’elle soit futile, cosmétique, ou morale), que oui, on peut se faire aider pour réparer un cuticule, nettoyer la plaque en vitro, ou se faire embaucher chez Rachid, le chinois du coin (ça doit FORCEMENT exister).
L’idée, c’est de rester soi-même, comme dans la pub pour les hamburgers où on te dit de venir comme tu es, sans fioritures.
Sinon c’est la débandade, on finit par faire des textes de plus en plus courts, à mettre des images de plus en plus grandes pour couvrir la vacuité du discours.
Cela prend de l’ampleur, il faut se montrer tout nu, parler de ce qui rallie les troupes, comme le ferait un grand orateur avant son élection histoire de grappiller des votes supplémentaires.
Du coup la blogueuse devient un stéréotype, une fille qui ne parle plus vraiment d’elle, se met en avant en montrant parfois ses seins, et puis surtout, qui n’a aucune jugeote, et tout aussi peu de cervelle.
Elle avait acheté un espace de verdure de l’autre côté de la fibre optique et s’est retrouvée à gérer une communauté de lecteurs assoiffés de mots sans saveur, aussi agités qu’à un concert de Black Sabbath.
Bon, moi, je n’ai pas pris l’embranchement coca sans bulles. Je préfère de loin râler et parler de ce qui me plaît plutôt que de brosser le peuple dans le bon sens.
Et tant pis si ça fait de moi une pouffiasse intello plutôt qu’une sous-prod industrielle.
Du coup je me dis qu’il y a tout de même un égocentrisme latent dans l’espace virtuel que j’habite, que finalement je ne parle que de ce qui me fait avancer. Mais si ça fait avancer les autres, pourquoi pas ?
On était quand même tous là pour parler de soi au départ.
Caribouland
Je suis désappointé. J’étais persuadé qu’au départ, au milieu et un peu vers la fin (même si on est plus proche du milieu, voire carrément du départ), j’étais, donc, persuadé que nous étions tous (et toutes) là pour parler de moi. Vous êtes quand même qu’une sale bande d’égoïstes !
Nonobstant quoi,à 42 mètres de chez moi, il y a un kebab tenu par un Chinois (donc le cousin tient le bar PMU du coin) (dont la cousine tient la boucherie kacher du quartier) [nan, je déconne, ya pas de boucherie kacher chez moi, que des boucheries hallal].
Mais, oui, un jour, tu trouveras un copain qui passera ses soirées à repeindre tes plafonds CSS et rafistoler tes rideaux HTML avec trois bouts de ficelles et deux patchs SQL.
le coca sans bulle c’est dégueulasse, ça sent trop le sucre et ça apaise pas la soif
Non mais bien dit quoi!!
Mais tellement…
Perso, je ne bois que du coca sans bulle, même que je le touille avant de le boire, sinon ça fait des gloup-gloup dans mon estomac… (bin quoi, je parle de moi, là, non ?) (ah, ça n’intéresse personne…)
Sans rire, oui, l’objectif est de rester soi, mais forcément dans un blog, on se met en scène a minima… parce que sinon, ça deviendrait un journal intime, insipide pour quiconque à part soi…
Puis parfois, tu écrits une anecdote, un petit bout de vie sans intérêt (à priori), et un tas de monde se reconnaît, à ta grande surprise…
Du vécu sur mon dernier billet, et sur un récit de sandwich à la tomate (sur un ancien blog).
Au bout du compte, textes avec ou sans intérêt, l’essentiel est la sincérité.
Analyse très juste…
J’adore cet article tellement vrai. J’aurais pu l’écrire d’ailleurs. Tu as vraiment raison en disant qu’il y en a qui s’attache à toi « pour faire bien ». Étonnement j’en vois de plus en plus qui sont sympa avec moi depuis 1 mois. C’est triste. Une fausse notoriété sur le web, se faire bien voir, acheter des trucs comme tout le monde… même moi ça m’arrive.
M’enfin au final, après 2 jours chez mes parents, j’ai pris la grande décision de ne pas acheter le OZOTIC, car je le trouve décidemment trop moche….
Ouais je sais, je suis trop une folle. Parfois je suis un mouton, parfois pas…. Puis parfois aussi, j’me dis que j’irais bien boire un verre avec toi, puis j’ose pas, parce que c’est plaisant, non, d’être de l’autre côté de la fibre optique ?
Bizou choupi
Ton article est terriblement juste et vrai.
Certains blogs sont complètement tombés dans la dérive que tu décris, et je trouve cela bien triste.
Heureusement, des blogs comme le tien persistent 🙂
Bizz.
rien ne vaut le Sprite, rien !
Tellement fun et tellement vrai cet article!
Ta plume est très agréable à lire. Tout ce que tu dis là est bien vrai, j’ai vu des blogueuses changer et c’est bien triste je trouve…
Marrant que je tombe sur ton article, alors qu’hier, j’en ai pondu un qui cause un peu du même sujet… En tous cas, je trouve tout ça très juste. et il faut juste se positionner, après tout. Quelle blogueuse veut-on être? Quel rapport au blog veut-on avoir?
Le plus dur est de répondre à ces questions simples (et quelques autres).
Mais une fois qu’on y est, qu’on sait ce qu’on fait et pourquoi on le fait, tout redevient simple, finalement…
Cet article est excellent. Vraiment.
C’est la première fois que je tombe sur ton blog.
Tu écris bien, stylistiquement mais aussi parce que c’est criant de vérité.
Je file m’abonner pour en lire davantage.
Ca fait du bien de se faire remettre à sa place de temps à autre.
Bon ton article est amusant à lire, par contre je doute fort que les lecteurs assoiffés soient aussi agités qu’à un concert de Black Sabbath : les français étant de grands blasés même lorsqu’ils vont voir le meilleur groupe de metal qui existe (le headbang est quasi inexistant), je suppose que de l’autre côté de l’écran ça ne doit pas être bien folichon. Les lecteurs, je les imagine entrain de geeker comme des nolifes, ou à zapper tout ce qui passe et à ne lire qu’en diagonale, tout en cautionnant la langue de pute. Le plus drôle à voir, c’est quand les blogueuses (la plupart mode ou beauté) se crêpent le chignon entre elles : c’est souvent un spectacle pathétique digne du plus grand cirque blogosphérique… Mais souvent je relativise en me disant que la blogosphère ne se résume pas non plus qu’aux blogueuses. Chez les blogueurs, il y a moins de bitching, c’est plus amical, plus zen. Et pour finir, on peut parler de soi d’une multitude de façon: pourquoi ne pas avoir un peu d’humilité et un peu plus de contenu de qualité ? Ce serait certainement un bon début pour tous les blogueurs. Pour le contenu c’est relatif, pour l’humilité ça va être tendu. ^^