Culture de ritale oblige, (ou pas d’ailleurs), j’ai une grosse tendance à la flemmardise. Autant dire qu’entre la chaise assise et la chaise longue, mon choix est vite fait.
Les jours fériés comme les jours de vacances, je les vois arriver comme des fêtes d’anniversaire, je m’y prépare comme un enfant qui fait un collage pour sa mère : en gros je suis contente et sur-excitée, des gommettes rouges collées partout sur le visage.
Je valide, chaque fois, c’est un véritable carnage de professionnel .
Je compte les heures la semaine qui précède, je fais un stock de cotillons que je cache soigneusement dans le fond du placard.
Je tanne tout le monde, prépare ma robe rose bonbon pour l’occasion tellement qu’elle est belle et qu’elle brille.
Et une fois qu’arrive le jour J, je fais la grasse matinée, je me goinfre, j’en profite pour en mettre partout sur mes doigts (surtout si c’est du chocolat)(et que c’est poisseux).
S’il fait beau, je fais plaisir au peuple avec mes bombes à eau multicolores, ça passe dans le ciel en faisant un arc-en-ciel et finit par éclabousser les passants.
J’aime bien les vacances comme ça, ça fait retomber en enfance.
En tout cas c’est ma façon de voir les choses.
Mais dans tout ce micmac, il y a une chose qui m’énerve, me gâche mon plaisir, m’enquiquine comme pas possible parce que JE SAIS que j’y aurai droit, quoiqu’il arrive : le beauf de voisin plein d’entrain qui habite une maison plus loin commence déjà à faire tout son tintouin.
Il s’appelle toujours Raoul, ou Paul, ou Bob, a le bedon fort joyeux, se balade torse nu et toutes tongs dehors sous les yeux attérés de la moitié du quartier.
Rien que de le voir ça me ratiboise le moral.
A 6h30 du matin il est déjà debout.
A 7h, il est dehors et il a sorti le tuyau d’arrosage pour mouiller sa voiture et les arbres (tant qu’il y est).
A 8h, j’ai envie de commettre un meurtre.Puis je me dis que ce genre de pauvres âmes ne sont pas digne d’attention.
Parce que de faire tout un ramdam quand il passe la tondeuse ce n’est pas « normal ».
Je peux comprendre l’envie furieuse qui pousse à désirer manger des fraises en pleine nuit, ou à vouloir courir tout nu sur la plage. Ca fait partie des grands rêves paisibles du vacancier éphémère (mais oui, même avec un week-end prolongé, tu es aussi un gai vacancier).
Je peux aussi tolérer qu’on ait envie de faire une brocante ou de participer à une parade de chevaux brossés comme pour une marche présidentielle.
Mais alors, le type, qui profite de sa journée de congé pour se lever à l’aube, alors même qu’il n’est pas en partance pour la côte belge, c’est un non-sens pour moi.
Je me mets à beugler sous mes draps, à gémir « pitié pitié pitié » quand il enclenche sa scie à bois à 9h, je l’entends tailler les haies en cadence, on dirait un petit philarmoniste du rosier.
Non vraiment, il a des gens qu’il faudrait enfermer quand c’est jour férié.
Parce que les Raoul, moi je leur fous un coup de boule s’il faut mais faut pas qu’ils me gâchent mon moment de farniente.
Quand le jour commence à tirer sur la fin, que le soleil est encore là, que le Raoul a terminé de construire son barbecue en pierre, et qu’il te fait une flambée d’enfer, tu te dis qu’il s’est enfin calmé.
Il y a une belle odeur de viande qui commence à embaumer le voisinage, ça imprègne mes narines d’une note savoureuse.
Là tu te dis que sa femme doit être contente qu’il lui fasse son repas, mais même pas, il se prépare sa saucisse tout seul, dans son jardin super tondu, sans la moindre aisance qu’on confère à la personne paisible d’avoir profité de son jour férié pour se reposer.
Il en profite pour chanter à tue-tête une ode flamande sortie d’on-ne-sait où, moi je le scanne du regard, le doigt près de déraper pour appeler les gendarmes.
Ah Raoul, la prochaine fois, tu ferais mieux d’aller pêcher des moules à la mer.
Sinon c’est moi qui t’y enverrai, à bons coups de pieds au derrière.
A bon entendeur.
Caribouland
J’adore ton article, le ton décalé, l’humour ! Bien sûr, ce WE, j’étais chez mes parents, et bien sûr, nous avons un Bob juste en face ! Sa passion : construire des logements dans ses ruines, tondre, passer le rotofil, faire « ronronner » son tracteur…
Moi mon Raoul c’est un gars qui a 9h de jour férié se plante devant l’immeuble avec un accordeon et se met à jouer à fond la caisse. Puis il crie « merci madame, merci monsieur, belle journée »
Empatée va !
Quelle jolie plume que la tienne! J’adore ta verve syntaxique! Je suis comme toi pour les jours fériés d’ailleurs le mien je l’ai passé dans un hamac en mangeant des fraises 🙂
ça sent le vécu, et chez moi aussi… J’en ai eu du voisin débile qui foutait de la techno à 6h30 le samedi matin (et à fond bien sûr), du voisin se disputant avec sa moitié en balançant des meubles à 2h du mat ou au contraire, s’envoyait en l’air avec sa pétasse la fenêtre ouverte, du voisin pas sympa qui s’appropriait une place dans la cour et qui bloquait purement et simplement sa voiture parce qu’il en avait marre que tu prenne sa place, même si tu l’avais jamais prise avant, c’est pour le principe… Là le Pruneau il a beau se plaindre (trop habitué à vivre en maison), on a des voisins plutôt sympa (je croise les doigts) et même si leur progéniture crie un peu dans les escaliers ou cours partout, nous on se lève et on ouvre les volets électriques à 5h30 du matin alors bon, je me plains pas…
Hésite pas à appeler les flics, je l’ai fais deux ou trois fois, j’avais même plus besoin de donner mon adresse à la fin…
bon courage !