4 mars 2017

Le tout petit lexique du greenwashing naturel

Je lisais le bouquin de Paula’s Choice l’autre jour, en me demandant si, finalement, les gens qui « s’y connaissent » n’ont pas toujours un peu le réflexe de prendre les autres pour des cons – parce que même à mon niveau, j’avais l’impression qu’elle s’adressait à ma petite personne comme on aimerait apprendre l’arabe à une chèvre, sans réelle conviction.

Je trouve cela plus stimulant d’instruire sans arrogance, de partager à outrance pour justement, faire réagir, conscientiser, aider ceux qui veulent changer de mode de vie ou encore atténuer leur impact écologique à leur échelle, le tout dans la bonne humeur, et non une bataille de courgettes contre éprouvettes.

 

A force de connaître les différentes facettes du greenwashing, j’ai fini par avoir un avis tranché sur la question : je préfère qu’une marque me dise clairement ce qu’elle contient plutôt que ce qu’elle a viré de la composition, qu’elle soit plus réaliste que bardée de slogans magiques (au coeur du végétal, mon oeil) et aussi, ne prenne pas le consommateur pour un énième énergumène bourré qui observe à peine ce qu’il fout dans son panier.

J’avoue parfois me positionner comme une petite vache sacrée en plein milieu d’une route indienne dans l’espoir de couper le flot du marketing douteux pour le transformer en « regardez, nous ne sommes pas parfaits, mais nous faisons des efforts ».

Mais il y a encore un gigantesque chemin à parcourir avant d’arriver à l’ultra-transparence du marché.

 

Le tout petit lexique du greenwashing naturel

J’ai essayé de vous regrouper dans un petit lexique de base de ce que l’on retrouve le plus souvent sur les étiquettes les plus sujettes à controverse, avec, en prime, leur décryptage.

  • ingrédients naturels (100% d’)
    Cela signifie que le soin contient 100 % de matières premières brutes, non modifiées (le pourcentage peut se révéler important, selon ce dont vous avez besoin)
  • ingrédients d’origine naturelle (90% d’)

    l’eau peut être considérée comme naturelle, mais également certains tensioactifs à base de coco, chimiquement modifiés, des huiles qu’on aurait estérifiées (changées pour garder leur toucher soyeux, au détriment de leurs bénéfices), certains conservateurs également.

    Il faut se méfier de ce genre d’appellation car elle ne garantit ni une quantité valable de l’ingrédient mis en avant sur la bouteille, ni que ce qui l’entoure aie gardé un chouilla de la nature en lui après avoir subi des modifications chimiques en labo. On pourrait s’en contenter, mais il y a moyen de trouver mieux

  • Extraits naturels (ou 100% d’)
    Les extraits sont présents à un dosage ridicule dans une formule conventionnelle, ils n’ont pratiquement pas d’intérêt, d’autant plus s’ils ne sont pas concentrés comme une huile essentielle, par exemple. Ou simplement jeté dans le pot sans participer à synergie intéressante.

    Un conditionner « with natural extracts of lavender and white orchid » suggère qu’il contient de la lavande (alors qu’on a juste isolé certains de ses actifs à l’aide d’un solvant pour pouvoir coller son nom dans la liste INCI).

    Les cheveux sentiront sûrement très bon grâce au parfum de synthèse, mais, à votre place, je passerais mon chemin, parce qu’il ne s’agit que d’une fraction du potentiel végétal de la plante originelle.

  • infusion de plantes
    Quasiment pareil que dans l’exemple ci-dessus, à ceci près qu’on joue encore plus sur les mots et l’imaginaire du consommateur – on rêve d’un liquide ambré intégré à la préparation qui va revigorer notre peau jusqu’au derme et lui donner de l’éclat, alors qu’en réalité, la couenne en profitera à peine.
  • tout ce qui contient le mot nature dans son nom

    ou a une image très exotique sur le packaging, des fruits, du vert, des arbres, l’océan : le pire du pire de manière générale (avec quelques rares exceptions), ce sont ceux qui vont à la fois faire preuve de prouesses langagières et de techniques de marketing bien foutues pour vous tromper, à grand renforts d’images qui évoquent, souvent, une balade en forêt.
  • le 0% de quelque chose

    Il n’y a jamais de garantie que 1° la substance ne soit pas remplacée par une nouvelle molécule plus irritante, 2° qu’il n’y ait pas d’autres rigolos dans la formule qui ne soient pas potentiellement chimiques / polluants / allergènes, ou 3° que ce qu’ils ont « enlevé » était réellement à la base du problème initial – le zéro pourcent est avant tout un argument de vente

 

Un shampoing comme le Timotei Pure, sans silicones, ni parabens ou colorants, avec de l’extrait de thé vert bio 100% d’origine naturelle (manquerait plus que ça XD) est extrêmement trompeur.

En réalité, il contient du Sodium Laureth Sulfate (le fameux SLS), du parfum, disodium EDTA, PEG, du lilial (un allergène et perturbateur endocrinien reconnu), un réel petit cocktail chimique loin du beau flacon transparent qui évoque la pureté comme la légèreté quand on le croise sur une étagère.

Mais bon, la bouteille est entièrement recyclable, alors c’est un mal pour un bien (admire mon cynisme éco-conscient)(le plastique, à moins d’être végétal, reste un matériau non biodégradable).

 

Normalement, rien qu’avec les 5 pistes évoquées plus haut, vous devriez être un peu moins dans le flou au moment de vous décider entre deux baumes pour votre perruque. Je ne pense pas qu’il soit forcément nécessaire de connaître les noms latins des ingrédients si l’on sait déjà trier ce que l’on VOIT en magasin.

Le bête exemple des logos et de ce qui est rond et plaqué sur le devant du cosmétique est aussi trompeur : ne vous fiez pas à ce qui ressemble à un label écologique ou naturel, certaines marques poussent le bouchon en écrivant seulement une info produit dedans (du style « 100% » en grand, et « sans huiles minérales » en petit). Soyez également attentif à l’ensemble de la gamme – si un produit a une certification bio, cela ne veut absolument pas dire que le reste est concerné.

Bref, ouvrez l’oeil, surtout si, jusqu’à présent, vous pensiez acheter quelque chose de très vert, qui en fin de compte ne l’est pas tant que ça.

Même si je sais pertinemment que mon petit lexique ne représente qu’une infime partie de l’iceberg, ça devrait déjà vous aider si vous vous sentiez un peu perdu dans la jungle cosmétique.

 

Des bisous les Caribous !
Je vous recommande mes anciens articles sur le langage des marques
Tome 1Tome 2Tome 3Tome 4

Caribouland
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15 réponses à “Le tout petit lexique du greenwashing naturel

  1. CloMiKo

    Merci pour ce lexique 😉
    Comme tu le dis si bien : lire la compo. Parce que les emballages « attrape-niguad »… pullulent de plus en plus.

    Répondre
  2. Emmy

    Merci Mona ! Je partage de ce pas, moi qui lutte au quotidien contre « regarde, je l’ai pris chez Yves Rocher, c’est bien ça, c’est naturel hein ?! » GRRRRRRR !
    Belle journée à toi.

    Répondre
  3. Nhirondaile

    Hello ! Merci de toutes ces explications !
    J’essaie de lire les compositions en magasin, j’ai encore du mal… Parce que comprendre les noms scientifiques aucun souci, savoir ce que ça fait dans la compo (j’ai adoré ton mot synergie !) là il y a un monde avant que je n’y arrive…
    J’ai installé l’application « Clean Beauty » sur mon téléphone, mais c’est long !!

    Tu penses quoi de la marque Lush ? Greenwashing ou pas ?

    A bientôt 🙂

    Répondre
      1. Mona Auteur

        Je t’ai répondu dans ma réponse à Nhirondaile, mais je comptais aussi rajouter ceci : Les sulfates sont présents dans les shampoings. Il y a également des parabens dans beaucoup de leurs préparations. Du parfum également.
        Je pense que, de manière générale, une personne qui entre dans la boutique lush en pensant qu’un produit en pot produit à grande échelle sera à 100 naturel est une hérésie. Il faut conserver tout cela et garantir une pérennité minimum du produit, sans quoi cela se périme aussi vite que leurs masques frais.

        Ceci mis à part, ils font bien mieux que d’autres, donc à voir où se situe ta limite, ou celle d’un autre client lambda 🙂

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    1. Mona Auteur

      ça ne s’apprend pas en un jour aussi, moi ça fait des années que je suis dessus, et j’ai commencé sans aucune base, donc tu y arriveras à ton rythme 🙂 Tu sais déjà comprendre les noms scientifiques, c’est déjà énorme.

      J’avais déjà évoqué sur le blog l’anecdote d’un détour en parapharmacie où j’avais demandé à la pharmacienne s’ils vendaient de la glycérine végétale pure et qu’elle m’avait répondu « je ne vois pas du tout de quoi il s’agit ».

      Je suis sortie en ronchonnant – sachant que c’est ce qui compose la majorité des bases en cosmétique.

      Je vais te répondre à toi, mais ça concerne le message de victoire plus bas : Lush est une marque qui a, certes, joué sur le greenwashing, les gens étant trompés par le « fait main » et « frais ». Ceci étant dit, à part certains produits qui contiennent deux où trois substances chimiques, tout est MARQUE sur le site, et contrairement à d’autres marques qui se remplissent les poches avec cette technique de marketing, ils ont l’avantage de proposer des matières premières entières et non modifiées dans 95 % de leur gamme (qui est gigantesque, je mets juste 5% à part parce que je ne connais pas bien leur département cosmétique et parfum).

      Donc à choisir, je préfère tomber pour le greenwashing lushien, parce qu’il est plus intelligent, que sur le site, la compo est bien notée et qu’on distingue le noir (chimique) du vert (naturel). Quand on rentre chez l’occitane ou chez The body shop ou encore Yves rocher, je ne suis pas sûre que le consommateur aie droit au même traitement, ni même la certitude de ressortir avec la bonne information produit. Moi-même j’ai déjà été confrontée à des vendeurs peu scrupuleux qui vendaient du « tout naturel oui oui, c’est noté sur le tube » alors qu’il n’en était rien.

      A toi de voir où commencent tes principes de « mieux acheter », mais personnellement, dans mon esprit, Lush est déjà à la limite du marché bio et fait parfois mieux au niveau de la formulation, sur certains soins, que des marques qui ont effectivement le label.

      Voilà 😉

      Répondre

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