Je voue un culte à cet auteur.
Comme à quelques autres, mais celui-ci obtient la palme de l’écrivain qui retranscrit la pure réalité comme s’il nous faisait un cake aux pommes : avec l’aisance d’un pâtissier qui sait ce qu’il fait.
J’avais déjà lu un livre de lui, Le Monde Selon Garp, et quand j’avais refermé le bouquin, la fin m’avait mordue si fort que j’étais restée bouche bée, un peu béate à cause de l’histoire contée.
Ca arrive peu souvent aux gens, de rencontrer un univers qui se colle si parfaitement à leur âme.
En général on cherche un peu d’amour dans des romans typés, un peu d’enfance dans des récits de coin du feu, un peu de frissons dans les livres à suspens.
Puis on tente de faire un patchwork qui ait de la gueule.
Ce qu’il y a entre Irving est moi va au-delà de ça, c’est aussi irrésistible qu’une romance qui finit mal puis reprend, c’est aussi tentant que de rater son train exprès pour rester au soleil, c’est aussi grisant que de prendre son vélo pour avaler les routes de campagne.
Il réunit ma nostalgie, mon amour, mes envies, mes peurs par rapport à la vie ou la mort, ces détails que je vois chez les gens, il les peint, il donne le juste relief au monde que je vois passer.
C’est un constructeur de personnes, et non de personnages, un magicien.
Donc, si je devais vous recommander un premier livre, il faudrait que vous attaquiez Le Monde Selon Garp.
Pour tomber tout nu dans le trou qu’Irving creuse pour ses lecteurs, le trou dans lequel on veut s’enfoncer plus profond pour épouser ses paroles.
Puis comme plat de résistance, vous pourriez entamer la visite de L’Hôtel New Hampshire.
Il nous pousse à y vivre avec la famille Berry, le grand-père accro à ses haltères, le père et la mère si liés, les enfants turbulents et le chien qui pète sans arrêt.
John qui nous parle des figures qu’il côtoie, Lilly qui refuse tout net de grandir et restera petite à sa façon, Frank qui est un peu trop austère et psychorigide, Franny la plus belle qui n’en finit plus de se libérer de ses démons.
On croise un Ours, puis une Ourse, des putains qui nous veulent du bien.
Leur voyage est raconté comme l’errance fataliste d’une famille d’un Hôtel à un autre, chaque fois sans succès, bien qu’au bout du tunnel la lumière finisse par se voir dans les yeux des protagonistes.
C’est un peu rude, un peu long, mais qu’est-ce que la longueur lorsque l’on fait le récit d’une vie ?
J’ai donc dévoré chaque mot comme une gamine qui écoute son père lui inventer une histoire et ne veut pas qu’il s’arrête avant d’avoir enfin atteint le dénouement.
Il n’y a rien de si extraordinaire dans ce livre, si ce n’est chaque page, et cette absurdité réaliste qui nous fait accepter sans peine qu’il y ait des décès silencieux et des morts bruyantes.
Finalement, si j’aime autant cet auteur c’est parce qu’il ne tente pas d’être un faiseur de rêves ni un bonimenteur, je crois à tout ce qu’il me dit parce que je l’ai vécu, à ma manière.
Aucune idée de quand je croiserai à nouveau Irving, peut-être sur une plage ou encore dans mon lit, mais il est sûr que je ne l’oublie pas.
Jamais je ne le quitterai.
Caribouland
…Le dernier, « A moi seul, bien des personnages » Extraordinaire de lucidité ! … et après celui-ci on ne relit plus Shakespeare ou Mme Bovary comment avant !
Ton article est extrêmement bien écrit, c’est un plaisir de te lire!
Pouah ! Quel hommage ! Merci, merci, merci… pour lui… et pour nous tous. Ça fait du bien de lire ce genre d’articles. Je ressens un peu de cette magie que tu éprouves à la lecture de ces romans lorsque je lis certains de tes articles. Et c’est un réel talent d’insuffler l’envie de lire.
J’avais failli acheter un de ses bouquins, avant de me raviser. Maintenant c’est sûr, ce sera ma prochaine lecture.
Je te conseille » une prière pour Owen » ainsi que » l’oeuvre de Dieu, la part du diable »…Je les ai adorés.
Moi j’ai lu « L’Oeuvre de Dieu, la part du diable » et ça m’a marqué à jamais!
le monde selon garp, un des livres les plus bouleversants que j’ai lus … tu as vu le film ? robin williams y est époustouflant aussi