Quand j’étais petite, la télé était un luxe.
Ce n’était pas forcément lié à une classe sociale particulière, disons que la classe moyenne qui s’offrait une télévision autorisait d’autres gens à faire leur éducation culturelle et celle de leurs enfants.
C’est ce qui s’appelle déléguer l’instruction des parents à des petits agités de la boîte carrée, et si je voulais être tout à fait honnête, je dirais que c’est en grande partie la télé qui m’a éduquée.
Quand j’étais petite, mon grand-père regardait « Des chiffres et des Lettres », en lançant des « ROYELLES !!! » avec son accent italien, n’ayant toujours pas compris qu’il fallait dire voyelle et que de gueuler ne changerait rien au choix des participants.
S’il arrivait à trouver des mots, je ne m’en souviens plus, mais cette émission m’avait marquée, elle obligeait le spectateur à remuer ses méninges.
Comme Pyramides. Comme C’est pas Sorcier.
Comme ces émissions du service public qui ont « élevé » une grande partie de la génération dont je suis issue.
Quand j’étais petite, j’avais accès à Canal Plus, je regardais Nulle Part Ailleurs et les Guignols avec mon père, Coucou c’est Nous, le Muppet Show, et Benny Hill faire l’idiot.
Mister Bean donnait une autre dimension à ma réalité, l’humour pouvait passer par l’absurdité d’un homme seul avec son nounours, qui se retrouvait la gueule prise dans une dinde à Noël juste pour avoir voulu récupérer une bague.
Hilare.
Avant, la télé était une culture ciblée, qui avait pour objectif de devenir la base des sujets de conversations, qui nous tenait au courant.
Aujourd’hui je suis blasée.
Parce qu’on supprime des programmes sur des chaînes comme France 2 sans se demander si les remplaçants ne feront pas trop hasbeen.
On passe d’On ne Demande Qu’à En Rire à Jusqu’Ici Tout Va Bien.
Non tout va mal, vu qu’on impose à la jeunesse francophone d’aujourd’hui des émissions qui abordent des sujets que tout le monde a déjà abordés, qui présentent des objets que tout le monde a déjà vu.
Il n’y a plus de remise en question, on remplace le cynisme bien placé de Ruquier par une bande de pèquenots sortis du trou du cul de PAF, qui sont incapables de trouver une information valable et originale dont personne (ou peu de gens) n’a entendu parler.
Je suis déçue parce qu’aujourd’hui, il n’y a plus beaucoup à se mettre sous la dent à la télévision.
Je suis déçue parce que ce petit cube devenu écran plat n’a plus beaucoup de relief dans son bouquet de programme, qu’on ne trouve plus de doublure de Strip-Tease pour rire un peu des lubies d’autres gens « normaux ».
La prairie est trop tondue et y a plus rien à se mettre sous la dent.
La culture française se résume désormais aux Anges de la Télé Réalité, à 16 ans & Enceinte sur MTV, à des émissions vide-tête (qui ont leur pendant en torche-cul, voir du côté de Closer et compagnie) qui blanchissent tellement le cerveau des mômes que même les enseignants ne parviennent plus à écrire sur l’écran trop lisse de leurs pensées.
Où est passée la culture ?
Je la retrouve encore un peu en regardant le Grand et le Petit Journal, des émission de Ruquier le samedi soir, Touche pas à Mon Poste en semaine, des zappings de Canal, Silence ça Pousse sur France 5 (chuuuut, j’ai aussi mes favoris), des Talks Shows étrangers (disponibles que sur le net, mais ça vient de la télé, right ?).
J’aimais quand le PAF était un cadre dans lequel grouillait l’essentiel de l’info du jour.
Aujourd’hui tout ce que je vois, ce sont des plateaux à faire morfler n’importe quel épileptique critique, des couleurs criardes, et des présentateurs plus beaux gosses que bien intelligents.
Fallait pas trop tomber dans la folie de vouloir « une ambiance plus décontractée ».
Maintenant Nagui flirte lourdement avec les candidates, Delahousse joue au coco à la mèche qui dit hello, Denisot a dit bye bye, et depuis je pleure comme quelqu’un qui a taillé trop d’oignons.
Je râle.
Caribouland