A l’époque où les films qui parlaient d’un autre monde me passionnaient, il y avait un élément clef qui reliait les récits : le miroir magique.
Cet espace blanc par lequel on se faufilait, comme en passant à travers un rideau d’eau, et qui était une fenêtre ouverte sur l’inconnu et l’imaginaire.
Une des histoires consistait à placer le miroir à un endroit particulier du grenier où les personnages voyaient alors leur reflet se liquéfier, leur donnant accès à des paysages merveilleux.
Très fascinée.
Trop fascinée.
J’ai moi-même essayé de le faire, sans jamais trouver un brèche temporelle par laquelle m’échapper, pour toucher un peu au monde de Narnia, ou encore au demi quai de stationnement d’Harry Potter.
Mon miroir ne m’a jamais renvoyé qu’une seule image, celle de mon visage, de mon corps, ce que je ne pourrais pas voir si ces surfaces ne réfléchissaient pas la réalité avec autant de détails.
Et même parfois certaines choses m’échappent.
Il paraît qu’on passe beaucoup tropde temps à se regarder, à vouloir se voir, à remettre une mèche qui tombe trop sur la droite, mais finalement, trop de déséquilibre à gauche.
On réajuste un pantalon sur la taille, on évalue son potentiel, les épaules retombent dans un soupir, parce que la nuit n’a pas été bonne, parce qu’on a un teint râpé, inégal, fripé comme celui d’une pêche trop mûre.
Le miroir des filles montre un rouge à lèvres qui déborde, une taille qui n’est pas tonique, un trou dans le bas du collant.
Une réalité toute crue qui nous parle trop vivement.
Cette image qui crée les fondamentaux de notre esprit nous sappe le moral à vitesse TGV, nous fauche un sourire auquel on réplique par une moue aguicheuse, un vrai combat de titans duquel personne ne sort vainqueur.
Qui sera la plus belle, la pimbêche qui vit de l’autre côté ou moi ?
Il y a donc bel et bien un peu de magie dans cette surface, qui change d’humeur à chaque battement de cil et nous parle comme à une méchante belle-mère.
Passer jusqu’à deux heures à se mirer, à chercher l’erreur sociale/le défaut/ce qui pique aux yeux relève sûrement de la sorcellerie, mais la majorité des femmes se prête au jeu.
Quelque part entre ce que l’on voit et ce que l’on prend, le miroir des filles devrait rendre notre regard plus indulgent, parce que rayonner ne s’inspire que du sentiment de joie.
Et pas de défauts qu’on cible et que personne ne voit.
Caribouland