Quand j’étais petite, et que je râlais, je cassais du sucre, je faisais des pâtés dans mon assiette parce que je ne voulais pas manger, en montrant bien VISUELLEMENT que j’étais contrariée.
Je disais tout haut que je n’aimais pas les rollers que je venais de recevoir en cadeau, faisais crisser le crayon sur du papier pour faire se hérisser les poils d’une fille qui ne supportait pas ça.
Je criais dans la cours de récré, faisais des trucs stupides, comme essayer de voler avec les chutes de carton des jus qu’on avait reçu à quatre heures.
Je pouvais tenir des heures à bouder, c’était comme une machine de guerre, broum broum, moi au guidon, toutes roues dehors. C’était mon carburant.
Puis un jour, je me suis assagie.
Comme ça.
Du coup mon corps ne gère plus la différence, et quand je me décris je me vois toujours comme une grande gueule, alors que c’est ce que j’étais.
Et il y a de cela quelques heures, j’aurai bien voulu faire un gros trait à la craie sur un tableau noir, pour que ça crie et que ça fasse mal aux oreilles. Ou allumer un robinet et mettre ma main sur le goulot pour en mettre partout.
Je râlais, mais j’ai rien dit.
Bien fait pour moi.
Caribouland