Il y a des gens chez qui les connections entre les neurones ont du mal à se faire, il y a court-circuit quelque part sous la caboche, et ça te donne envie de créer nouveau jeu concurrent de “où est charlie”, intitulé “mais où est ton QI ?”
Je sais qu’il y a comme une frontière entre la sphère intellectuelle et manuelle, que parfois passer d’un monde à l’autre, c’est comme de parler chinois puis français, c’est difficilement faisable pour tout un chacun.
Enfin moi ça va, j’y arrive. Mais je suis une wonder woman.
A mon petit job étudiant, il y a un jeune homme, qu’on appellera J., pour qui l’adaptation au milieu est aussi difficile qu’un accouchement de triplés : il pense à beaucoup de choses en soufflant, mais y a rien qui sort.
(Je vous passe le cliché qui va avec)
Quand on commence la journée, on doit remplir les frigos, vérifier que tous les gâteaux sont là pour les anniversaires de l’après-midi, que la plaine de jeu est clean, et qu’il n’y a pas un couteau qui traîne à terre.
Une fois que tout est en place, on ouvre, et les clients commencent à affluer.
Moi je reste au bar, c’est mon espace, c’est là que je règne, parfois je cours après un client, mais comme mes pamplemousses m’assomment à plus de 2km/h, souvent j’abandonne.
Lui, J., il traîne la patte.
Il commence sa journée à 12h, comme tout le monde, mais il fait déjà une pause à 12h01.
Tu te dis qu’arrivant sur la fin de son adolescence, il est possible qu’il soit encore un peu lent, le gamin.
Tu tolères.
Trente minutes plus tard, il est toujours assis sur son tabouret moelleux, il attend patiemment que sa pizza cuise dans le four tout en tapant la discute avec le patron (qui n’a pas capté pour un sou que le J. n’a encore rien foutu de la matinée).
Et plutôt que de m’aider à faire les vidanges et à porter quelques fournitures qui pèsent sur mes biceps (j’ai les bras comme des brindilles pas forcément adaptés à la tâche), il m’observe 20 longues minutes avant de me lâcher un « c’est lourd, non? ».
“Non. C’est super léger, regarde, avec un doigt je peux tenir le bac de 40 cocas et même faire une culbute avec”.
Après ce grand moment de rigolade (parce qu’il n’a pas saisi le second degré, c’est évident), il reçoit enfin son assiette devant lui et commence à manger.
Lentement.
Ça mastique large pendant que je m’applique à servir les clients affamés, que je sue, que moi aussi j’ai tout à coup vraiment faim. Il prend le temps de s’essuyer la bouche d’un coin à l’autre, moi j’ai juste envie de le pendre haut et court avec sa serviette.
C’est un manège qui se répète souvent.
À quatre heures, alors qu’il devrait être occupé à animer un anniversaire, il est posté devant les frigidaires, à chercher la boisson qu’il va bien pouvoir prendre pour s’hydrater un peu (moi, depuis le matin, j’ai viré papyrus craquant tellement je manque d’eau), me bouchant le passage derrière le bar, OSANT me demander si ça va.
“Oui oui ça va, mais t’es dans le chemin”.
Encore un grand moment de rigolade, je renverse deux cafés parce qu’il me bouscule en retournant “travailler”.
Là, je pense plutôt à le manger, tout cru, ou roulé dans une crêpe Nutella et rôti à la broche. La violence peut me faire virer cannibale, mais j’arrive encore à prendre sur moi.
Parce qu’il me fait penser à Patrick l’étoile de mer, dans Bob l’éponge. Tellement nouille, tellement tarte, avec aucun éclair de lucidité sur son inactivité latente, il passe et repasse dans mon champ de vision comme un nounours malingre qui ne trouve pas son chemin.
Parfois il me fait des frayeurs en me disant qu’il manque un cake, alors qu’en fait il ne l’a pas vu parce qu’il n’a pas bifurqué la tête.
Je lui dis bifurque la tête, et il me regarde comme si je lui avait parlé de me présenter comme présidente des bouffons sur Mars.
Je lui dis de regarder plus à droite en cuisine, ça percute un peu mieux.
Du coup il repart pour la salle d’anniversaire. Sans le gâteau.
Tu penses bien, il l’a trouvé, c’est pas une raison pour le prendre avec lui.
Je pourrais écrire un roman sur J. tellement il me divertit au boulot sans le savoir.
Il paraît qu’il a commencé des études d’ingénieur, “qu’il est calé” dans son domaine, moi je l’imagine plutôt bloqué quelque part entre Idiot-ville et Incapable-land.
Et dire qu’une semaine me sépare à chaque fois de lui.
Pitié, priez pour les neurones qu’il lui reste.
Caribouland
C’est surtout une grosse feignasse ! Ou alors, il ne fait bien que ce qu’il aime, et ce qu’il aime en dehors du foot, c’est son futur job d’ingénieur. D’autant qu’on lui attribuera une secrétaire qui fera tout ce qu’il déteste faire.
Loooooooool il y a des gens qui font peur en effet! Mais le Patrick de chez Bob, il est tellement con que c’est drôle. Dans la vraie vie, je trouve ça flippant…
Courage!
T’es folle choupi !
Rhô, tu es dure avec ce pauvre J. Non, tout simplement, c’est un gros flemmard, c’est tout ! 😉
Courage et diplomatie… perso, je crois que je lui aurais déjà tordu son cou de poule !
J’adore !
Enfin c’est pas drôle pour toi
Je peux te dire que tu n’es pas seule, je crois qu’on à tous un J. à son boulot 🙂
Pfouahahaha! J’ai trop ri en lisant ton article!
Ode à Patrick.