Fait véridique, quand j’étais petite, je pensais qu’on pouvait changer de peau.
Passer du blanc au noir, au jaune, voire au vert.
En gros, j’étais sûre que le peuple pouvait se la jouer caméléon, à la façon « je te retourne mon épiderme, tu vas rien comprendre ».
J’avais un prof de math qui passait par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel en un cours, il mettait son doigt dans la valise posée sur le bureau, ça faisait un bip, et il devenait mauve. Encore une fois, je trouvais ça plus fascinant que tout ce qu’il nous racontait, et ça avait le don de mettre mes points en berne.
C’était la faute (comme toujours) aux bouquins fantastiques que j’avais pu lire, dans lesquels le héros mutait sans arrêt, et avait aussi une bestiole qui se la jouait pokémon Evolution, perchée sur son épaule.
En gros, il y avait comme une logique implacable dans ma tête qui disait : si tu veux devenir peau rouge, tu peux devenir peau rouge.
J’étais née toute jaune de toute façon, au soleil je bronzais comme un chocolat au lait, j’avais du mal à me dire que je n’avais pas les mêmes capacités métamorphiques que le caméléon qu’on voyait dans les émission nature et découverte.
Puis c’était la faute (comme d’habitude) à Michael Jackson et ses pas de danse, quand il tournait sur lui-même, il passait du blanc au noir sans arrêt, de quoi donner le tournis aux gosses branchés sur MTV.
C’est pour ça qu’un jour, j’ai juste demandé à maman : « c’est quand que je deviens noire, dis, dis ? ».
Ca l’a laissée perplexe je crois.
Du coup, ça me reste en travers de la gorge.
Comme un goût de quelque chose de non accompli auquel j’ai du me faire, avec mes cheveux bouclés qui n’ont rien d’une tignasse frisée, un teint d’italienne malade et des yeux bruns fadasse.
Adieu cul d’enfer, croupe de black, cuissailles claquantes et nez patate.
Je fais mon deuil comme je peux, tu vois, je trace ma route, je m’adapte.
Caribouland