21 mai 2012

J’ai rencontré docteur Mamour

J’ai toujours eu affaire à des médecins.

Pas comme quelqu’un qui a une grippe une fois par an, ou comme le mâle qui croit qu’il va mourir d’appendicite alors qu’il s’est égratigné le doigt.

greys.jpg

Non.

J’ai toujours eu droit à tout un staff pour s’occuper de moi, avec une armada d’yeux rivés sur ma bouche grande ouverte en plein après-midi, ça faisait autant d’audience que le Muppet Show.

Ça m’a permis de voir qu’en général les chefs de département n’étaient pas forcément des canons de beauté, qu’ils pouvaient être grabataires et franchement enjoués pour me charcuter dans les 24h, alors que moi, j’étais bien moins enthousiaste en voyant leurs veilles mains trembler.

 

Je me mettais à imaginer le bistouri qui valsait, se plantait en plein dans le cœur alors qu’on devait m’opérer du nez.

Il y avait du sang partout, les compresses n’arrivaient pas à arrêter l’hémorragie et je finissais décédée pour avoir choisi un vieux routier de salle d’opération.

Classique.

 

Je tombais parfois sur des filles, plutôt jolies, un peu midinettes, et qui avaient l’art de se faire draguer uniquement quand j’étais couchée sur une table, les pieds en l’air, avec une fraise qui tournait à pleine vitesse un peu trop près de ma gencive.

J’ai aussi eu droit au type de la cinquantaine, un arabe bien sanguin, plein de charme, un peu bouffi sur les bords mais qui m’écoutait toujours attentivement. Il n’y avait pas un poil de douceur quand il farfouillait dans ma bouche jusqu’aux amygdales (je mens, je n’ai pas d’amygdales) et que pendant ce temps, j’étouffais dignement.

Je ressortais de ces rendez-vous passablement secouée comme un milk-shake et les joues bien rouges, au moins ça donnait bonne mine et je me sentais vivante.

M’enfin, l’arabe je l’aime bien, c’est lui qui m’a mis mes dents bien droites.

En 5 ans d’accord, mais on est du sud ou on ne l’est pas.

 

Tout ça pour dire, qu’en prenant rendez-vous parce que mon fil dentaire s’était passablement détaché pour la troisième fois en peu de temps, j’avais peu de scrupules à me faire belle vu que soit je me ramassais un vieux moche soit une belle plante peu attentive à ce que je ressorte entière du rendez-vous.

 

Du coup, Clocharde est arrivée à l’accueil, armée de son badge de patiente, vêtue d’une tenue qui devait venir d’Ouzbékistan, qu’on avait traîné dans une lessive pas tout à fait sérieuse et qui tendait à me faire passer pour une fille sympathique, mais sans plus.

J’ai dis que j’avais rendez-vous avec un orthodontiste, la madame m’a dit de patienter.

Puis là, tu vois ce moment où la fille se retourne quand on appelle son nom, et qu’il y a un ralenti, le regard qui monte, qui part des chaussures jusqu’au visage de l’homme, qu’il se produit un ouragan intersidéral à couleur de bolognaise ?

orage.jpg

Et bien c’est tout à fait ce qu’il s’est passé.

Je me suis levée, j’ai oublié que j’étais fringuée comme Causette, puis en lui serrant la main (douce, la main, la sienne surtout), j’ai vu le bout de mon pull de misère qui touchait presque son corporel et j’ai crevé de honte.
Parce que oui, j’avais oublié la variable, celle qui était toujours de mise dans n’importe quelle situation : il y a toujours une exception qui confirme la règle.

Donc dans ce monde de vioques et de donzelles, il y avait aussi le jeune fringant.

Le bel homme rayonnait en me priant de me coucher sur le siège, me demandant pourquoi je venais par ici pour la troisième fois en 2 semaines.

J’ai balbutié, mes dents étaient soudain trop proches de ma langue et je causais comme une bègue.

J’ai fini par lui parler en code : « mal, là, détacher, faut soigner, cool ».

 

Suprême cerise sur le gâteau, il s’est mis à chercher l’endroit où ça bougeait, y avait plus rien qui bougeait, je lui ai dit que si, que c’était tout à fait décollé, mal, faisait clac clac.

J’étais venue pour rien, j’avais du avoir une hallucination sensorielle mais apparemment le fil ne s’était jamais détaché.

Il tenait aussi bien qu’un point noir incrusté dans le derme et j’avais l’air d’une belle idiote.

Du coup, j’ai fait mine de m’excuser de l’avoir dérangé pour si peu, il m’a répondu que c’était avec plaisir et que c’était normal que je m’inquiète. (Mais il les sortait d’où ses yeux bleux-je-te-veux?)

 

En lui serrant la main pour lui dire au-revoir, je lui ai dit « j’espère qu’on se reverra dans pfouuuf », pfouuuf signifiant dans très longtemps.

Il m’a dit : « oui, à dans pfouuuf » avec un sourire remplit d’émail diamant.

 

Quel humour.

J’ai rencontré docteur Mamour et je m’en remets toujours pas.

Faut vraiment que je refasse ma garde-robe.

Caribouland
FacebooktwitterpinterestinstagramFacebooktwitterpinterestinstagram

9 réponses à “J’ai rencontré docteur Mamour

  1. La Grenadine

    oooh, j’ai adoré ton récit !
    ça m’a fait un sourire jusqu’aux lèvres, et rien que pour ça je te déteste : sourire, je peux toujours pas sans avoir mal. :p

    Répondre
  2. Mlle Pigut

    J’ai beaucoup aimé ton récit plein d’humour et je crois que… ça nous est tous arrivé un jour ou l’autre ce genre de situation. Merci de m’avoir fait tant sourire ce midi ! 😀

    Répondre
  3. MaCyMa

    Je découvre ton blog (Merci la Team Hellocoton) et j’adore ta façon d’écrire, ton style.
    Tu as égayé ma journée pluvieuse… merci et j’espère lire bientôt la suite avec docteur Mamour!

    Répondre
  4. La Prune

    Alors, question, comme j’ai connu le même arabe tout gentil qui m’a mis les dents droites, et que moi aussi j’ai passé pas mal de temps à faire des allers-retour à l’hosto, il serait pas dans le 95 ton docteur mamour ? parce que ça fait juste 2 ans que je dois aller me faire retirer mes dents de sagesse, que vu mon passé j’ai pas envie d’y retourner, mais que s’il est là le beau gosse… je peux même faire sauter mon fil exprès même s’il a pas bougé en 5 ans, chui cap !

    Répondre
  5. La Prune

    Mince alors, raté. Bah ils m’attendront encore un peu alors. (Moi j’ai eu un chir jeune, mais tout poilu de partout et comme toi, avec les mains qui tremblent… et j’ai pensé comme toi que j’allais mourir d’un coup de scalpel).

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *