Le corps encaisse, comme une vraie machine de guerre, prête à relever tous les défis, les uns après les autres. Parfois c’est vrai, on se blesse, on prend un coup mal placé, mais on se relève toujours et guérit de ses blessures.
Je ne sais pas trop par où tout a commencé, ça a du devenir plus important avec les années, les changements physiques et hormonaux. Toujours est-il que depuis quelques temps, mon corps a du mal à suivre.
Je suis devenue une migraineuse chronique.
La migraine c’est héréditaire, c’est un facteur génétique dont on ne peut se dépêtrer.
Ça se développe au fur et à mesure du temps pour enfin devenir un champignon géant qui grignote tout sur son passage sans laisser le temps de réagir : je tiens la version basique de ma mère, et la version ophtalmique de mon père.
Tout commence par un malaise un peu diffus, on ne se sent pas bien, on sait que quelque chose d’intense va arriver dans les heures qui suivent et on attend patiemment que mal se passe.
La plupart du temps, ça s’étend, se transforme en masque, me donne l’impression d’être figée de la moitié du visage, d’avoir un masque de douleur.
J’ai déjà suivi des traitements, essayé de me soigner comme je pouvais :
- d’abord on commence avec du paracetamol, comme tout le monde, on augmente progressivement la dose
- on finit par le prendre avec de l’ibuprofen pour essayer de toucher au mal plus profondément
- puis plus les crises surviennent, plus on est abattu, on en a marre, on cherche à sortir de ce cercle infernal mais s’énerver ne fait qu’empirer le problème
On m’a fait suivre un traitement de fond, à base de « vous prendrez un anti-dépresseur, ça aidera à réguler vos phases de stress », j’ai pris dix kilos puis j’allais mieux tout en étant un zombie béat et a-réactif.
Un vrai rêve.
Tu parles.
Maintenant que je suis sevrée depuis plusieurs mois, ma tolérance nerveuse est très haute, ce qui fait que je réagis bien moins vite à ce qui me dérange, ce qui est un gros mieux.
Mais, parfois, j’enchaîne les crises, j’en fais quatre sur une semaine sans comprendre le pourquoi du comment.
Souvent c’est le côté gauche qui s’enflamme, celui qui gère la sphère intellectuelle, et me fait alors penser que je réfléchis trop.
Et à force de réfléchir, ça empire mes maux.
On n’ose même plus se plaindre, c’est un peu comme une maladie imaginaire, que personne ne voit mais qui fait saigner toute une partie de la tête.
Les gens disent parfois que c’est parce que tous les cubes se remettent en place, que les neurones travaillent à de nouvelles connexions, et que la douleur fait partie du processus.
Parfois ils se taisent et ne comprennent pas pourquoi la personne qui subit une crise a l’air aussi hagard, perdu.
La migraine, c’est comme une amie malheureuse, qui me fait rater des jours de ma vie d’adulte, qui me prive de joie et de bonne humeur alors que ce n’est pas ce que je suis au plus profond de moi.
Elle n’exprime aucun mal-être, aucune envie, aucune frustration.
Elle s’immisce dans mes journées comme un serpent capricieux que j’essaye en vain d’éviter.
Et à chaque fois, je me fais mordre.
A chaque fois, je prie pour que la prochaine crise soit moins douloureuse.
Mais j’ai mal en attendant.
Caribouland