Quand au départ, bloguer était un passe-temps, quand finalement le passe-temps devient un hobby et que le hobby bouffe tout son temps, on se retrouve avec, sur les bras, un bébé bien trop gourmand.
Je le gère mon bébé gourmand, j’organise ma journée pour ne pas y passer ma vie, j’essaye de ne m’en occuper que quand je sais ce que je vais écrire.
Il n’y a pas de prévisions qui tiennent, mon blog c’est l’espace de la spontanéité et si je n’ai rien à dire, je me tais.
Alors oui, parfois je fais des dossiers, qui me prennent plus de temps, ou encore des articles très fournis, mais j’essaye toujours de tout écrire en une fois, et seulement quand je suis bien préparée.
Ce qui me gêne c’est le trop, ce qui m’emmerde c’est le vide.
Forcément, quand on a un gosse comme celui-là, sur lequel beaucoupde gens tombent en une journée, on a tendance à regarder ailleurs, à en parler, pour voir si on est pas tropborder-line, si on ne dit pas des choses tropdures, si on parle toujours le même langage que la majorité.
Puis finalement, on commence à se déclasser, on vire vers un terrain créatif qui nous appartient, et là ON TIENT son vrai espace, celui où l’on pense qu’on pourra tout dire, tout penser et qui se colore selon nos goûts.
Mais rien ne change autour, c’est comme un quotidien qui se surcharge, il y a des gens qui ont des bébés aussi gourmands que le mien, mais qui font moins preuve de spontanéité, on tourne autour du fictif, du sans intérêt, de ce qui fâche ou laisse pantois.
On commence à être gêné de voir que certains bébés gourmands qui ne parlent pas bien sont plébiscités.
On pense que c’est pas juste, que c’est comme quand le gothique de ta classe avait tapé dans l’oeil de ta prof de français et que t’avais beau porter un tutu vert à fleurs qui crient « CRAZY CRAZY » d’une voix fluette, t’avais toujours des points qui n’arrivaient pas au sommet.
(Depuis j’aime pas les gothiques.)
Après la phase de gesticulation, on entre alors dans une toute autre phase, la phase plus pensive du « mais qui suis-je au juste, c’est quoi un blogueur qui se respecte ? »
On est seulement quelqu’un qui écrit, mais la plupart des gens qualifient ce qu’ils font sur leur blog de « loisir », transforment leur espace virtuel en une sorte de chambre si bien décorée que parfois trop de gens y font la fête et tout devient plein à craquer.
On connaît trop bien ce genre d’ambiance, quand une boîte est pleine il y a moins de place pour les mots, il faut forcer le langage pour se faire entendre, ça devient compliqué.
Autant que je vous le dise, depuis que je suis semi-blogueuse beauté (celle qui parle de crèmes, lotion et sérum, mais jamais de cut crease, contouring ou 3 dots liner), et que je traîne mes fesses sur d’autres lieux que mon douillet Cocoon, j’ai l’étrange impression qu’on se fout du monde.
Je ne comprends même pas pourquoi je m’énerve à ce point, mais ça m’a trituré les neurones tout le week-end, je me suis demandée si, au même titre que les magazines pour femmes, la blogosphère beauté était devenue une sorte de vitrine sans fond.
Il y a des magazines que j’aime pourtant (et pas qu’un peu !), qui sont vraiment d’une très bonne qualité, mais qui sont noyés dans la masses des torche-fessiers et ne donnent pas envie à la femme de se mettre devant un présentoir pour choisir sa littérature hebdomadaire, la qualifiant indirectement de « sans intérêt, irréfléchie et non créative ».
Ca me titille le haricot, ça me fait danser comme un caribou qui a perdu la tête, « on passe pour » des idiotes.
C’est fou.
Cet amalgame.
Bien sûr, je sais ce que je vaux, je ne sais pas si c’est du à l’âge, à la carapace que je me forge, à la confiance que les lecteurs m’accordent.
Mais parfois, quand je lis la blogosphère, j’ai l’impression d’être devant un de ces magazines qui font marronnier sur marronnier, sans jamais se renouveler, et qui prennent les filles pour des ignares qui n’ont pas besoin d’infos puisque de toute façon, les jolies images suffiront.
Pour tout vous dire, les jolies images, c’est comme les jolies filles, après un moment on a besoin de langage, d’échange.
Sinon ça lasse.
Et c’est à cause de gens comme ça que quand je dis que j’ai un blog d’humeurs et de beauté, qu’on me regarde comme si j’étais une écervelée.
Il faut alors que je creuse, que j’explique mon point de vue, que je défende celui de filles qui font du monde de la beauté un monde aux perspectives nouvelles.
Je reste lucide, j’essaye de toujours avoir la tête hors de l’eau, mais parfois l’atmosphère qui règne sur la blogo me fait penser à un bourbier duquel les vrais talents ont du mal à naître, dans lequel tout se fond sous un même en-tête sans que les regards extérieurs parviennent à voir ce qui a vraiment de l’intérêt.
Il faudrait des pancartes pour savoir où aller même si en connaissant le chemin, on tombera toujours sur ce qui gâche le paysage.
On pourra toujours dire qu’il faut de tout pour faire un monde, sauf que si le tout devient la norme, on va vers l’anarchie.
Mais on s’en fout, tu me diras, vu qu’on sera toutes belles avec nos bigoudis.
Caribouland