J’en parle peu souvent parce que ça me touche de près et que ça rythme plus ou moins ma vie, mais mes migraines sont potes avec des médocs peu recommandables.
Il y a deux ans, après des maux de têtes violents et une crise de spasmophilie, j’ai suivi un traitement de fond, comme ils disent.
Je vais chez un neurologue qui me fait marcher (pour de vrai), prend des mesures, parle avec moi, et après une heure et demie de consultation, me donne une ordonnance toute belle pour un anti-dépresseur quand je me demande encore comment j’en suis arrivée là.
J’ai beau la supplier de trouver autre chose, elle ne veut rien entendre.
Bon.
Je suis les recommandations à la lettre, je deviens un peu déphasée par rapport aux gens, j’ai un temps de retard en début de traitement, du mal à répondre du tac au tac, je mets quelques secondes pour assimiler les informations et pouvoir y répondre.
Les premiers jours sont insupportables, tout va trop vite à la télévision, je suis incapable de me concentrer et j’ai l’impression d’être agitée de l’intérieur sans pouvoir libérer toute cette énergie stagnante.
Il devient étrange de mettre sur le compte du médicament certains comportements, le fait de manger plus, d’être prompt à faire des activités, d’être plus ouvert. Il y a ce qu’on est et ce qu’on vous fait être avec quelques milligrammes en plus par jour dans vos veines.
Après un an de grand bonheur, à gober sans broncher cette pilule blanche qui a fini par me faire voir la vie en rose, j’étais devenue une baudruche: de 47kg pour 1m63, j’ai frôlé les 62kg.
Une boulette quoi.
Je ne me suis pas rendue compte tout de suite du changement, on s’en est juste aperçu d’un coup, comme ça, comme si pendant la nuit je m’étais plaqué de la graisse un peu partout sur le corps et que j’avais trouvé ça joli.
Mon visage avait un double menton qu’on ne pouvait cacher, j’ai donc décidé d’arrêter le traitement parce que je n’avais plus l’impression de me reconnaître dans le miroir et que mes pantalons refusaient les uns après les autres de se fermer.
Sauf que, ce n’est pas si simple de couper le cordon.
Quand on suit un traitement de fond pendant un aussi long laps de temps, l’arrêt progressif entraîne des effets indésirables qui m’ont accablée pendant deux-trois mois : nausées qui me poussent aux toilettes sans vomir, vertiges à chaque pas, chute de tension improvisées, imprévisibles et l’humeur fluctuante.
Je n’avais plus trop de crises de migraines, donc je me disais qu’au final, je ne devrais plus repasser par un traitement aussi « lourd » pour une fille en bonne santé, et vu que mon cerveau avait appris à ne pas trop s’agiter pendant une période de stress, je pouvais naviguer tranquillement sur les flots sans m’inquiéter de chavirer.
Le sevrage se passe tant bien que mal, je tangue encore un peu sur mes pieds, mais je suis plus lucide que quand je prenais ma dose quotidienne.
Puis rebelotte.
Il y a quelques mois je suis en crise, j’enchaîne des maux de tête, des céphalées de tension et des migraines alternées et le moindre énervement me couche au lit.
Presque en pleurs et plus que pitoyable, j’arrive à joindre ma neurologue qui me redirige vers mon médecin pour trouver un traitement en attendant de la voir.
Une semaine plus tard je suis sous bêta-bloquants.
Une horreur.
Le début se passe mal, j’ai le coeur qui pompe trop doucement à mon goût, je marche sur de l’ouate et n’arrive plus trop à réagir en temps et en heure.
Puis je m’habitue petit à petit à vivre comme un escargot et à accepter qu’un coeur qui bat moins vite c’est aussi une solution contre la migraine, que les médecins savent ce qu’ils font.
Effectivement, après plusieurs mois, je n’ai quasiment plus de crise, mais aussi, je n’arrive plus trop à faire d’efforts.
Courir est plutôt pénible, monter ou descendre des marches d’escalier me crève, je pèse 55 kg mais j’ai toujours l’impression de ne plus être pareille.
Je décide de voir le médecin, pour lui dire que j’aimerais qu’on arrête de rigoler, que le cirque a assez duré, et que je veux qu’on me dédouane de ce genre de médicament sur le champ.
Si avec l’anti-dépresseur, j’étais dans un bonheur béat et complètement aveugle, le bêta-bloquant, lui, joue sur un terrain plus glissant.
Mes pensées qui jusqu’alors ne s’étalaient que sur du court terme, à me demander ce que j’allais devenir dans un mois, ont pris le large et me font désormais voir ma vie d’un bout à l’autre.
Comme une cage d’incertitude, chaque pas dessine un grand trou noir, je ne suis plus sûre de rien et en doute permanent, rien que du joyeux qui angoisse plus qu’il ne rassure.
Second sevrage.
Je suis en plein dedans.
Le docteur me dit « vois jusqu’où tu peux aller, et si tu te sens bien à une certaine dose, on continuera comme ça ».
Moi je veux que ça quitte mon sang, que ça arrête de jouer avec mon coeur, ma vie, mon cerveau, c’est trop d’enjeux dans un seul cachet.
Je suis d’humeur exécrable, m’énerve à la moindre anicroche, et comme je ne peux descendre les doses que par paliers, je suis contrainte d’attendre avec impatience de pouvoir retirer quelques mg tous les 10 jours en espérant me sentir mieux.
Je suis toujours aussi fatiguée.
Dans 24h, je descendrai d’un second pallier, en espérant que mon état migraineux n’empire pas, que je ne doive pas faire trop d’efforts pour garder le cap et que les effets indésirables du manque ne soient pas trop présents.
J’ai écrit ce billet pour que vous réfléchissiez à deux fois quand on vous prescrit des traitements de fond : parce que oui, certes, ils vous offrent un confort de vie pendant quelques mois, quelques années, deviennent une béquille, mais il faut accepter que la migraine, c’est un flou médical, que ça inclut trop de choses pour être traité aussi facilement.
L’impression d’être une poule à qui on lance des cachets pour qu’elle ne fasse pas trop de bruit m’insupporte aussi.
On est faible dans ces cas-là, dans le cabinet d’une personne qui a fait des études pour vous soigner.
On pense que tout se résoudra sans encombres, qu’on aura que le bien dans une pilule sans aucun aspect négatif.
C’est faux.
Et ça avait trop d’impact que pour que je me taise.
Caribouland