Je lisais le bouquin de Paula’s Choice l’autre jour, en me demandant si, finalement, les gens qui « s’y connaissent » n’ont pas toujours un peu le réflexe de prendre les autres pour des cons – parce que même à mon niveau, j’avais l’impression qu’elle s’adressait à ma petite personne comme on aimerait apprendre l’arabe à une chèvre, sans réelle conviction.
Je trouve cela plus stimulant d’instruire sans arrogance, de partager à outrance pour justement, faire réagir, conscientiser, aider ceux qui veulent changer de mode de vie ou encore atténuer leur impact écologique à leur échelle, le tout dans la bonne humeur, et non une bataille de courgettes contre éprouvettes.
A force de connaître les différentes facettes du greenwashing, j’ai fini par avoir un avis tranché sur la question : je préfère qu’une marque me dise clairement ce qu’elle contient plutôt que ce qu’elle a viré de la composition, qu’elle soit plus réaliste que bardée de slogans magiques (au coeur du végétal, mon oeil) et aussi, ne prenne pas le consommateur pour un énième énergumène bourré qui observe à peine ce qu’il fout dans son panier.
J’avoue parfois me positionner comme une petite vache sacrée en plein milieu d’une route indienne dans l’espoir de couper le flot du marketing douteux pour le transformer en « regardez, nous ne sommes pas parfaits, mais nous faisons des efforts ».
Mais il y a encore un gigantesque chemin à parcourir avant d’arriver à l’ultra-transparence du marché.
Le tout petit lexique du greenwashing naturel
J’ai essayé de vous regrouper dans un petit lexique de base de ce que l’on retrouve le plus souvent sur les étiquettes les plus sujettes à controverse, avec, en prime, leur décryptage.
- ingrédients naturels (100% d’)
Cela signifie que le soin contient 100 % de matières premières brutes, non modifiées (le pourcentage peut se révéler important, selon ce dont vous avez besoin)
- ingrédients d’origine naturelle (90% d’)
l’eau peut être considérée comme naturelle, mais également certains tensioactifs à base de coco, chimiquement modifiés, des huiles qu’on aurait estérifiées (changées pour garder leur toucher soyeux, au détriment de leurs bénéfices), certains conservateurs également. Il faut se méfier de ce genre d’appellation car elle ne garantit ni une quantité valable de l’ingrédient mis en avant sur la bouteille, ni que ce qui l’entoure aie gardé un chouilla de la nature en lui après avoir subi des modifications chimiques en labo. On pourrait s’en contenter, mais il y a moyen de trouver mieux
- Extraits naturels (ou 100% d’)
Les extraits sont présents à un dosage ridicule dans une formule conventionnelle, ils n’ont pratiquement pas d’intérêt, d’autant plus s’ils ne sont pas concentrés comme une huile essentielle, par exemple. Ou simplement jeté dans le pot sans participer à synergie intéressante. Un conditionner « with natural extracts of lavender and white orchid » suggère qu’il contient de la lavande (alors qu’on a juste isolé certains de ses actifs à l’aide d’un solvant pour pouvoir coller son nom dans la liste INCI).
Les cheveux sentiront sûrement très bon grâce au parfum de synthèse, mais, à votre place, je passerais mon chemin, parce qu’il ne s’agit que d’une fraction du potentiel végétal de la plante originelle.
- infusion de plantes
Quasiment pareil que dans l’exemple ci-dessus, à ceci près qu’on joue encore plus sur les mots et l’imaginaire du consommateur – on rêve d’un liquide ambré intégré à la préparation qui va revigorer notre peau jusqu’au derme et lui donner de l’éclat, alors qu’en réalité, la couenne en profitera à peine.
- tout ce qui contient le mot nature dans son nom
ou a une image très exotique sur le packaging, des fruits, du vert, des arbres, l’océan : le pire du pire de manière générale (avec quelques rares exceptions), ce sont ceux qui vont à la fois faire preuve de prouesses langagières et de techniques de marketing bien foutues pour vous tromper, à grand renforts d’images qui évoquent, souvent, une balade en forêt. - le 0% de quelque chose
Il n’y a jamais de garantie que 1° la substance ne soit pas remplacée par une nouvelle molécule plus irritante, 2° qu’il n’y ait pas d’autres rigolos dans la formule qui ne soient pas potentiellement chimiques / polluants / allergènes, ou 3° que ce qu’ils ont « enlevé » était réellement à la base du problème initial – le zéro pourcent est avant tout un argument de vente
Un shampoing comme le Timotei Pure, sans silicones, ni parabens ou colorants, avec de l’extrait de thé vert bio 100% d’origine naturelle (manquerait plus que ça XD) est extrêmement trompeur.
En réalité, il contient du Sodium Laureth Sulfate (le fameux SLS), du parfum, disodium EDTA, PEG, du lilial (un allergène et perturbateur endocrinien reconnu), un réel petit cocktail chimique loin du beau flacon transparent qui évoque la pureté comme la légèreté quand on le croise sur une étagère.
Mais bon, la bouteille est entièrement recyclable, alors c’est un mal pour un bien (admire mon cynisme éco-conscient)(le plastique, à moins d’être végétal, reste un matériau non biodégradable).
Normalement, rien qu’avec les 5 pistes évoquées plus haut, vous devriez être un peu moins dans le flou au moment de vous décider entre deux baumes pour votre perruque. Je ne pense pas qu’il soit forcément nécessaire de connaître les noms latins des ingrédients si l’on sait déjà trier ce que l’on VOIT en magasin.
Le bête exemple des logos et de ce qui est rond et plaqué sur le devant du cosmétique est aussi trompeur : ne vous fiez pas à ce qui ressemble à un label écologique ou naturel, certaines marques poussent le bouchon en écrivant seulement une info produit dedans (du style « 100% » en grand, et « sans huiles minérales » en petit). Soyez également attentif à l’ensemble de la gamme – si un produit a une certification bio, cela ne veut absolument pas dire que le reste est concerné.
Bref, ouvrez l’oeil, surtout si, jusqu’à présent, vous pensiez acheter quelque chose de très vert, qui en fin de compte ne l’est pas tant que ça.
Même si je sais pertinemment que mon petit lexique ne représente qu’une infime partie de l’iceberg, ça devrait déjà vous aider si vous vous sentiez un peu perdu dans la jungle cosmétique.
Des bisous les Caribous !
Je vous recommande mes anciens articles sur le langage des marques
Tome 1 – Tome 2 – Tome 3 – Tome 4